Femmes Surréalistes

''L'esprit Saint'', Jane Graverol, 1965


A travers un prisme ''genré'', je reconnaîs m'être toujours identifiée à ''l'homme'' Salvador Dali et à tous les représentants du mouvement surréaliste. En effet, ils n'enfermaient pas le sujet dans un code établi par le langage mais ouvraient une brèche entre l'image et le sens et permettaient à la liberté de s'immiscer et à la créativité de s'exprimer.

Mais en 1924, ce mouvement était porté avant tout par un noyau constitué d'hommes. Mené par Breton et Apollinaire, le groupe souhaitait révolutionner l'expression artistique et le quotidien. Il jouissait d'une aura puissante, laissant dans l'ombre l'héritage de nombreuses femmes, qui pourtant nourrissaient le mouvement de l'intérieur.

Je ne vois pas la femme cachée dans la forêt, René Magritte, 1929

Breton défendait déjà les artistes femmes dans ''Arcane 17'' en disant que ''Le temps serait venu de faire valoir les idées de la femme aux dépens de celles de l'homme, dont la faillite se consomme assez tumultueusement aujourd'hui ''. Il leur permettait, entre autres, d'exposer leurs œuvres dans des expositions collectives. Hommes et femmes se connaissaient, passaient leur temps ensemble et nourrissaient mutuellement leur art respectif. Malheureusement l'histoire de l'art n'accorde aux femmes qu'un rôle de support des différentes projections des hommes pour nourrir leur imaginaire, à travers des rôles de muses, d'amantes ou de modèles.

Or, elles ont été pleinement actives. D'abord happées par ce mouvement, elles l'ont intégré puis s'en sont émancipées. Elles ont été attirées par la lutte contre l'image traditionnelle de la femme, dans une période d'après guerre où elles cherchaient à travailler et gagner leur indépendance.

Meret Oppenhein arrive de Suisse, Lee Miller des Etats-Unis, Leonora Carrington de Londres, Leonor Fini d'Italie et Claude Cahun réside déjà à Paris, mais toutes trouvent dans le mouvement un écho à leurs propres aspirations anti-bourgeoises et révolutionnaires.

Meret Oppenheim se fait photographier par Man Ray et met en avant des idées déjà présentes en elle, en créant des objets du quotidien qui associent des éléments qui ne vont pas ensemble, à l'instar de son célèbre ''Déjeuner en fourrure''. Elle montre alors une intégration parfaite des principes du surréalisme et connaît un succès retentissant.

Déjeuner en fourrure, Meret Oppenheim, 1936

Lee Miller, mannequin américain, rejoint Man Ray et devient son modèle mais aussi son amante et sa collaboratrice. Ensemble ils vont découvrir de nouvelles façons de photographier, ce qu'elle continuera par la suite.

Lee Miller Archives, England 2017

Leonor Fini, elle, cherche à peindre les représentations oniriques de ses fantasmes érotiques et place la femme dans une position dominante, où l'homme devient la muse passive et endormie.

L'Alcôve/Autoportrait avec Nico Papatakis, Leonor Fini,1941

L'artiste Leonora Carrington, entretient une relation avec Max Ernst, déjà marié, et s'approprie dans ses peintures le symbolisme animal et un certain folklore imaginaire.

La Géante, (La gardienne de l'oeuf), Leonora Carrington, 1947

Claude Cahun, fait progresser la réflexion autour de l'autoportrait car elle s'y présente de manière à ce que l'on ne sache pas, au premier coup d'oeil, s'il s'agit d'un homme ou d'une femme, et se joue des différentes identités en se déguisant sur ses photos.

Autoportrait, Claude Cahun, 1928

Toutes ont incarné un amour libre, donné une nouvelle dimension au vocabulaire plastique du surréalisme et ont brouillé les frontières de l'identité. Elles ont renforcé les idées du psychologue Carl Gustav Jung concernant l'androgynie de l'esprit. En effet, celui-ci considérait que l'esprit comportait une part féminine ''anima'' et une part masculine ''animus'' et appréhendait le Soi comme un observateur des différentes identités.

Peut-être est-ce pour cela que l'héritage de ces femmes (et bien d'autres encore) reste toujours d'actualité et que plusieurs expositions contemporaines en ont fait leur thématique cette année à travers la rétrospective '' Femmes Fantastiques. Mondes surréels de Meret Oppenheim à Frida Kahlo'' en début d'année au musée de Francfort ou à travers les conférences du MoMA de New-York de cette semaine, visibles en replay.

Il est important de perpétuer la mémoire de leurs œuvres tout en gardant à l'esprit que ces artistes ne se définissaient pas par leur genre, bien au contraire, mais avant tout par leur liberté.

Le surréalisme au féminin (vidéo Arte)

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